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Ah tu verras !
29 août 2011

Correspondance avec un élu.

Cette correspondance date de quatre ans. J'ai longtemps hésité à la rendre publique car, les campagnes électorales se succédant, je ne voulais pas être accusé de faire le jeu de la droite. Avec l'ouverture de la campagne pour les présidentielles (car nous pouvons dire qu'elle est ouverte en dépit du calendrier officiel) et les débats qui vont avoir lieu, il me semble opportun de la publier maintenant.

Le contexte de cette correspondance : lors d'une grève importante à la SNCF, un élu socialiste de mon département utilise le jeu d'adresses électroniques d'un club de retraités de l'enseignement pour diffuser un message anti-grève des cheminots particulièrement dégoûtant. Suite à ma protestation par courriel, il s'en est suivi l'échange de lettres que voici.

1. Lettre de l'élu

Angelo,

    Tout à fait d'accord avec toi, s'agissant des stock options et des fonds de pension, c'est scandaleux, c'est tout simplement de l'exploitation.

    Ma femme a reçu "ça" sur son mail, j'ai voulu faire une grosse provocation en l'adressant à des gens de gauche. Je reconnais bien volontiers que ce n'est peut-être pas très drôle, mais ça me semblait tellement énorme ! Enfin...

    Mais si "enorme" que soit ce mail, il pose cependant question : doit-on s'interdire de s'interroger sur ce qui est en passe de ruiner définitivement la Gauche ?...la défense d'avantages -aujourd'hui connus du plus grand nombre- qui ne paraissent acceptables que dans la mesure où il pourraient être attribués à tous.

    Que doivent en penser une aide-soignante, une infirmière, qui travaillent Dimanche et jour de fête pour des salaires de misère ? Que peut en penser un travailleur du bâtiment dont l'espérance de vie est aujourd'hui celle la plus courte de tous nos concitoyens ? Ils sont souvent pris en otage pour défendre des avantages qui ne les concernent pas et auxquels ils ne peuvent même pas réver.

    Avantages par ailleurs inenvisageables pour plus de 20 millions de salariés du privé et pour près de 5 millions de salariés du public. Avantages qu'ils ont l'impression de payer. Le temps est, hélas, révolu où les luttes, plus faciles à organiser par certaines catégories sociales, impliquaient systématiquement des retombées pour d'autres catégories de travailleurs.

    Il me semble que si 70% des Français approuvent malheureusement Sarkozy, c'est sans doute parce que nous ne sommes pas bien bons, pour pas dire à côté de la plaque. Si on continue comme ça on va finir "à poil" ! Je ne suis pas tout à fait seul à penser ainsi. Par ailleurs, les partis politiques de Gauche me paraissent quelque peu discrets, en tous les cas pas très "vociférants" sur la question. Quant aux syndicats, ils souhaitent, et je les comprends, des négociations rapides, inquiets quant aux conséquences dans l'opinion publique d'une grève longue .

Alors oui à une augmentation des salaires et plus encore des petits salaires, c'est l'immense majorité à la SNCF... Je n'oublie pas les retraites et les très petites retraites (je connais celle de ma mère).

    Très sérieusement, aujourd'hui la Gauche doit dire aux français quel est son projet de société et ensuite seulement quels sont les moyens qu'elle mettra en oeuvre pour y parvenir. Pour moi ce projet doit s'articuler autour de trois mots : égalité, solidarité et justice sociale.

    Cette provocation que tu as pris au 1er degré (après coup je te comprends et je m'en excuse) est une énorme ficelle qui consiste à cristalliser le mécontentement sur une extrème minorité pour faire oublier l'immense majorité qui s'appauvrit chaque jour sous le règne de Sarkozy.

 

2. Ma réponse

Rachel,

tu prétends avoir voulu faire une provocation, salutaire à ton sens, et moi, pauvre idiot, j'ai pris cela au premier degré ! Ta lettre me fait penser que tu as abandonné toute idée sur ce que je continue à appeler lutte des classes, ainsi tu ne vois pas que ta provoc, dans la conjoncture actuelle, peut s'appeler un « tir ami » particulièrement mal venu.

L'histoire, apparemment, ne nous apprend rien ! Tu restes sur l'idée social-démocrate par excellence que le capitalisme est indépassable et que l'action publique ne peut que soulager un tant soit peu les souffrances des laissés pour compte de la société. Je continue à penser que l'abolition du capitalisme est la condition de l'abolition de l'aliénation. Ces deux courants de pensée que nous représentons, ont, suivant les époques, lutté ensemble pour obtenir des avancées sociales (et donc des avancées dans l'humanisation de la société), ou se sont affrontées, et en général cela a coïncidé avec des régressions. Malheureusement, à mon sens, nous ne sommes pas aujourd'hui dans une phase de lutte en commun : tes positions, les postions de plusieurs dirigeants socialistes (sans parler de ceux qui, quelle honte, gouvernent avec Sarkozy), si elles n'étaient pas combattues, nous entraineraient encore plus dans une spirale sans fin d'alternance où la droite peut faire une politique anti-populaire dure après que la gauche lui a préparé le terrain. Depuis 2002, et singulièrement depuis l'élection de Sarkozy, comment ne pas voir que, par exemple sur les retraites, les attaques inouies de la droite s'appuient sur tout ce que Jospin et Chirac avaient signé ensemble à Lisbonne, dans le cadre européen.

Je continue à affirmer que les injustices ne sont pas les différences entre salariés, entre retraités des différents régimes. Les injustices sont par exemple : ne pas pouvoir vivre décemment, ne pas pouvoir vivre décemment de son travail, ne pas pouvoir être soigné décemment, ne pas pouvoir se loger décemment, ne pas trouver de travail pour les jeunes ; les injustices sont : les écarts de revenu entre les salariés et les rentiers, les hauts revenus du patronat ; les injustices sont : le chômage massif qui permet au patronat de faire pression sur le reste des salariés...

Parmi toutes ces injustices peux-tu me dire laquelle serait résolue par la suppression des régimes spéciaux de retraite ?

Au contraire, il est clair que la suppréssion des régimes spéciaux est un levier pour aggraver encore le régime de retraite des fonctionnaire, pour s'attaquer ensuite aux retraites des autres salariés. Il n'y a pas de fin dans cette spirale de régression sociale.

Voilà ce que tu proposes. Je peux t'assurer que je serais toujours, selon mes capacités et mes possibilités, dans l'opposition et le combat de ces idées. En revanche, je serais toujours selon mes capacités et mes possibilités dans le combat unitaire avec ton courant de pensée, dans une perspective de lutte pour le progrès social.

Quelques objectifs : nouveau partage des richesses entre capital et travail (c'est un « succès » de la gauche, avec Delors, de l'avoir modifié historiquement au profit du capital) ; suppression de la loi Balladur de 1993 sur les retraites (que la gauche plurielle a laissé honteusement en l'état pendant ses cinq années de pouvoir) ; suppression de la loi Fillon sur les retraites des fonctionnaires ; référence généralisée au 37,5 annuités pour le calcul de la pension, public ou privé.

PS. Nous aussi, Evelyne et moi, sommes « enfants du peuple » et nous connaissons le montant, indigne, de la pension de nos parents. On ne nous culpabilisera pas avec ces arguments, d'autant que l'expérience, particulièrement depuis les alternances gauche-droite au pouvoir, nous apprend que l'appauvrissement des salariés plus favorisés ne sert pas aux moins favorisés mais sert à enrichir encore plus les plus riches.

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